Coin Presse : Clément Turpin - « Après un match, je n’arrive jamais à dormir avant 4 heures du matin »

Extrait du JSL du 05/06/16
 
Le Montcellien Clément Turpin sera, lors de l’Euro de football, le seul arbitre français à fouler les pelouses. Il se prépare sans stress, mais avec envie.
 
Clément Turpin était reçu ce vendredi par André Accary au Conseil départemental de Saône-et-Loire.
 
Il boit son café calmement, plaisante, commente la fin de saison des clubs de Gueugnon ou Montceau. Nous sommes vendredi, à 7 jours de l’ouverture de l’Euro, mais Clément Turpin, n’affiche pas le moindre signe extérieur de stress. Dans une poignée de jours, le Montcellien de 34 ans, foulera pourtant, devant une armée de caméras et des dizaines de milliers de paires d’yeux, la pelouse des plus grands stades de France. Sifflet en main, il devra se faire respecter par les meilleurs joueurs du continent. Clément Turpin sera le seul arbitre tricolore à officier sur les terrains de l’Euro de football. Juste après la compétition, le Saône-et-Loirien s’envolera pour le Brésil où il fera résonner son sifflet à l’occasion des jeux olympiques. Clément Turpin semble malgré tout presque gêné quand on le présente comme « le meilleur arbitre français. » Lui tient à rappeler : « Je ne suis pas tout seul. Avec mon équipe, nous sommes cinq. Ça fait deux ans qu’on se prépare à ça. C’est un magnifique défi. La finale de la coupe de France, l’Euro, puis les JO… J’ai la chance de vivre les plus beaux moments du foot en l’espace de deux mois. »
 
Alors que la compétition approche l’arbitre commence à avoir des fourmis dans les crampons : « On a envie, on a faim ! » D’autant qu’il ne sait toujours pas quels seront les matches qui lui seront attribués.
 
Préparation vidéo
 
Ce lundi, le Montcellien rejoindra Enghien-les-Bains où les arbitres de l’Euro ont établi leur quartier général. C’est dans cette « bulle » qu’il préparera ses matchs. Du sport bien sûr pour encaisser 90 minutes de courses sifflet à la bouche. Mais aussi beaucoup d’heures devant l’écran : « J’ai déjà téléchargé sur mon ordinateur plus de 70 matchs. » Avec son équipe, ils suivront aussi chacune des rencontres de la compétition. « Cela me permet de collecter le maximum d’infos, même s’il faut essayer de ne pas avoir de préjugés. Mais, par exemple, si je sais qu’un joueur aime le un-contre-un, je vais me rapprocher plus de lui. Ce sera moins le cas, si je sais que le joueur passe beaucoup la balle. »
 
Arbitrage à domicile
 
Lors de cette compétition, organisée en France, Clément Turpin sera le seul arbitre à jouer à domicile. Comme pour les joueurs, évoluer dans des stades qu’il connaît bien est un avantage : « C’est toujours bien d’avoir des repères ». Pendant les matches, l’arbitre ne voit, en revanche, pas grand-chose d’autre que le jeu. « Des fois, je suis incapable de dire s’il a plu pendant le match, s’amuse-t-il. Mais dire qu’on n’entend rien, ce serait mentir. On sait que dans 5-6 situations cruciales que l’on devra trancher, il va forcément y avoir une réaction du public. Mais ça ne nous déstabilise pas, on est habitués. »
 
Préservé dans sa « bulle »
 
Durant toute la compétition, Clément Turpin vivra en dehors de la liesse populaire. Il ne verra pas sa femme et ses trois jeunes enfants pendant toute la durée du championnat. Lui qui évite soigneusement les réseaux sociaux, se gardera aussi d’ouvrir la presse le lendemain des matches : « Mais je fais mon autocritique et je débriefe avec mon équipe. » Ce professionnel du sifflet ne peut éviter les shoots d’adrénaline que lui procure son métier : « Après un match, je n’arrive jamais à dormir avant 4 h du matin. »
 
Un passionné de foot soumis au devoir de réserve
 
Au-delà de l’arbitrage, Clément Turpin est aussi un amoureux du ballon. « Je suis arrivé à Montceau à l’âge de 6 ans, je crois que la première chose que j’ai fait c’est de prendre ma licence », se souvient l’ancien défenseur. Aujourd’hui encore, il tape le cuir : « Je m’entraîne encore avec mon club de Montceau. Déjà, parce que ça me change de l’entraînement en solitaire. Et puis, parce que ça me permet de rester au contact du jeu. C’est bon de se savoir ce que ça fait de prendre un tacle ou d’en donner un. » En revanche, hors de question pour Clément Turpin de dévoiler son club préféré : « je ne peux pas avoir de club de cœur, je suis arbitre. Quand je regarde un match : c’est l’équipe rouge contre l’équipe bleue, rien de plus. Ce qui ne m’empêche pas de prendre du plaisir. » Évidemment, il ne sera pas demandé au Français d’arbitrer un match qui impliquerait les bleus.
 
À ce jour, Clément Turpin ignore combien de matches il sera amené à diriger lors de l’Euro. Rêve-t-il de la finale ? « Mon objectif c’est déjà le premier match. On ne se projette pas plus loin. Après on verra. » Il n’existe de toute façon pas de coupe pour les arbitres. « Ne pas faire parler de lui, est la meilleure des récompenses pour un arbitre », conclut-il dans un clin d’œil.
 
Benoit Montaggioni benoit.montaggioni@lejsl.fr